Dernier voyage
Week end agréable, festif et chaleureux à Bordeaux... dernier retour Bordeaux - Dijon et pas des moindres : mon train de 7h28 de lundi matin avait été...avancé de 7 minutes. Si si, la SNCF fait ça, elle avance les trains. Etant arrivée 5 minutes avant l'heure à laquelle je pensais qu'il passerait, et bien j'errais dans le couloir des voies, mon train n'étant pas affiché, noyée dans l'incompréhension... Je suis donc arrivée 2h après à Dijon. Grrrr. Au moins j'aurais vu des choses marrantes grâce à ce trajet décalé... Pic nique fou d'une madame d'âge très mûr genre je-vais-faire-mes-courses-à-Monoprix-luxe : guacamole à la petite cuillère (et tout le pot !). Un contôleur spécialiste des patronymes :
"Pouy, c'est peti?
"Pardon ?
"Pouy, c'est petit ?" avec le geste mimant qui accompagne, désignant mon nom sur le billet.
"Non, c'est montagne...
"Aaaah. Oiseau des Montagnes... Tous les noms ont une signification vous savez"
Il est peut être devenu contrôleur pour ça. Pour l'abondance des noms de famille qu'il verrait défiler sous ses yeux tous les jours, assouvissant son besoin de les décrypter...?
Et puis, Le Livre qui m'a sauvé de l'énervement. Après avoir changé mon billet, je suis allée faire un tour au kiosque à journaux (c'est tellement démodé ce terme) et j'ai choisi Belange, de Patrick Cauvin. Une valeur sûre, car Patrick Cauvin, c'est un de mes écrivains français modernes préférés. Je ne vais pas vous raconter l'histoire, mais plutôt vous livrer quelques extraits - Patrick est d'accord - pour vous donner envie de lire ses récits pein de fraîcheur, d'humour, et de bonheur très réaliste. Le genre de livre où tu ne peux pas t'empêcher de rire à haute voix même si tu es dans le train, où tu as envie de corner une page sur trois parce qu'il y a un passage que tu aimerais faire lire à tout le monde...
"... et lui-même allait manger, lorsqu'il était seul, dans un boui-boui de la région, ou le plus souvent se tapait, tout en bouquinant, une à plusieurs boîtes de biscuits fourrés de marque Choki, le macaron des petits amis, friandise hypersucrée et bourrative qui avait meublé son enfance de vagues successives d'écoeurement et de désir."
(le protagoniste est un homme)
"Pendant un bon mois, elle a tenté de transformer mon deux pièces de la rue des Martyrs en bonbonnière. Aidée de sa copine tapissière, elle m'a enseveli sous les cretonnes. C'est déjà effroyables en soi la cretonne, si vous recouvrez le Stade de France de cretonne, vous commencez à étouffer, alors dans un petit espace, on peut imaginer. Mais le pire, ce sont les fronces, les ruchés, toutes ces boursuflures, ces phlegmons, ce n'était plus une chambre, c'était une attaque de furonculose, et le tout dans les roses, et pas n'importe lesquels, des roses anciens. Elle m'assenait des noms techniques :Pompadour, Trianon, Marie-Antoinette, je m'extasiais, j'applaudissais, je trépignais d'admiration, mais il n'y avait rien à faire, ça ressemblait quand même à du vomi. Je me réveillais chaque matin en sueur, j'avais l'impression d'avoir été malade durant la nuit et d'avoir rendu partout..."
Je pourrais encore recopier mille passages alors je m'arrête.
Et la cerise : j'étais pile dans la voiture dans laquelle le contrôleur fait les annonces au micro ! Je l'ai vu (il laisse la porte ouverte, comme certaines personnes quand elles vont aux toilettes) et vous savez quoi ? IL ECRIT TOUT AVANT SUR SON CAHIER ET IL LIT. C'est même pas de l'impro. J'ai même assisté au changement de contrôleur (Dijon est sur le trajet Paris - Lausanne), le contrôleur qui vient de finir enfile son imper, prend sa valise, fait la bise au contrôleur qui monte et s'en va, noyé dans la masse. Il n'y a pas de sortie de star, il est anonyme parmi tous les voyageurs qui innondent la gare, alors qu'il n'est pas un voyageur comme les autres, lui il a la clef de la cabine magique...